Alors que le Vietnam célèbre le 50ᵉ anniversaire de sa réunification, cet article retrace le parcours d'un pays passé des affres de la guerre à son émergence sur la scène mondiale.
Découvrez comment une nation autrefois divisée a su forger son unité, vaincre des puissances internationales, et se projeter vers un avenir d'innovation et de prospérité.
Introduction
Le 30 avril 2025, le peuple vietnamien commémore une étape historique : le cinquantenaire du Jour de la Réunification, marquant cinquante ans depuis la chute de Saïgon en 1975. Ce moment charnière mit fin à des décennies de conflits et unifia officiellement le Nord et le Sud du Vietnam sous un même drapeau, redéfinissant ainsi le destin national. Connue dans le pays sous le nom de Ngày Giải Phóng Miền Nam (Jour de la Libération) ou Ngày Thống Nhất (Jour de la Réunification), cette date est bien plus qu'un jour férié : elle incarne un puissant symbole de paix, de résilience et d'unité nationale.
En célébrant ce jubilé d'or, le Vietnam se retourne sur un passé tumultueux - de l'occupation coloniale à la guerre dévastatrice - avant d'embrasser le triomphe chèrement acquis de son indépendance. Il regarde aussi résolument vers l'avenir, traçant une voie fondée sur le dynamisme économique, l'innovation et le développement durable. Cet article explore les facteurs clés ayant permis au Vietnam de vaincre de grandes puissances, le rôle déterminant de ses leaders comme Ho Chi Minh, les répercussions mondiales de sa victoire, ainsi que la manière dont le pays a surmonté ses divisions internes pour devenir l'une des sociétés les plus résilientes et prometteuses d'Asie.
Le Vietnam défie les grandes puissances militaires - France, États-Unis, Chine
Les victoires du Vietnam face à des puissances militaires redoutables - la France, les États-Unis et leurs alliés, puis la Chine en 1979 - reposent sur une combinaison unique de stratégie, de résilience et de guerre populaire. Le « secret » des généraux vietnamiens, dont l'illustre général Vo Nguyen Giap, résidait dans leur maîtrise de la guerre asymétrique et dans la mobilisation totale du peuple pour la défense nationale.
- Contre la France : En 1954, Giap orchestra la bataille décisive de Diên Biên Phu en utilisant le relief, une logistique ingénieuse (transportant l'artillerie à travers la jungle), et des tactiques de guérilla. Cette victoire força la France à abandonner ses ambitions coloniales en Indochine.
- Contre les États-Unis et leurs alliés : Le Vietnam exploita les limites de la guerre conventionnelle. Bien que moins armés, les combattants vietnamiens s'appuyèrent sur la guérilla, la densité de la jungle, les tunnels souterrains et le soutien stratégique des populations rurales. Les États-Unis sous-estimèrent la détermination et l'unité du peuple vietnamien. La contestation intérieure aux États-Unis affaiblit encore davantage l'effort de guerre américain.
- Contre la Chine en 1979 : La brève mais intense guerre sino-vietnamienne mit en évidence la préparation militaire et l'expérience du Vietnam. Les vétérans de la guerre contre les Américains dirigèrent la défense en exploitant leur connaissance du terrain frontalier et des réponses de guérilla pour repousser l'incursion chinoise.
La stratégie vietnamienne reposait sur l'usure : il ne s'agissait pas de gagner chaque bataille, mais de durer plus longtemps que l'adversaire et de saper son moral.
Le rôle de Ho Chi Minh dans les conflits et la réunification
Ho Chi Minh fut le leader idéologique et symbolique des mouvements pour l'indépendance et la réunification du Vietnam. Son rôle fut déterminant dans trois domaines essentiels :
- Vision et idéologie : Ho combina le nationalisme et les principes marxistes-léninistes pour rassembler les différentes factions autour d'un objectif clair : la libération du joug colonial et impérialiste. Il présenta cette lutte comme la continuation du combat vietnamien pour l'indépendance, et non comme une simple expansion communiste.
- Leadership et diplomatie : Il fut essentiel pour obtenir un soutien limité mais utile de la part de la Chine et de l'Union soviétique, tout en préservant l'autonomie politique du Vietnam face à ces grandes puissances.
- Héritage de l'unité : Bien qu'il soit décédé en 1969, soit six ans avant la réunification, son image et ses principes guidèrent les efforts du Nord. La pensée de Ho Chi Minh devint un étendard idéologique après la chute de Saïgon en 1975, rapidement rebaptisée en son honneur.
L'impact politique mondial de la victoire du Nord-Vietnam sur les États-Unis
La chute de Saïgon en 1975 provoqua une onde de choc à l'échelle mondiale :
- La fin du mythe de l'invincibilité : Pour la première fois, les États-Unis - puissance dominante de la guerre froide - subissaient une défaite militaire visible et décisive. Cela renforça les mouvements révolutionnaires et de libération à travers le Sud global.
- Le « syndrome vietnamien » : Ce terme désigne l'aversion de l'opinion publique et de la classe politique américaine envers les interventions militaires à l'étranger. Il influença profondément la politique étrangère américaine, la rendant plus discrète, plus technologique et plus réticente à s'engager militairement à long terme.
- Redéfinition des équilibres de la guerre froide : Ce fut un moment fort pour l'idéologie communiste, même si le Vietnam entra plus tard en conflit avec la Chine et adopta progressivement un modèle économique tourné vers le marché.
Le dépassement des divisions du passé, notamment entre le Nord et le Sud
La réunification fut rapide sur le plan politique, mais plus complexe socialement. Les premières années furent marquées par des difficultés économiques, des camps de rééducation et la centralisation du pouvoir sous un État socialiste à parti unique. Cependant, avec le temps :
- Transformation économique (Đổi Mới) : En 1986, les réformes Đổi Mới libéralisèrent l'économie tout en maintenant le contrôle politique. Les marchés furent ouverts, les investissements étrangers affluèrent, et la croissance s'accéléra.
- L'identité nationale au-delà de l'idéologie : Les nouvelles générations ont vu émerger une identité vietnamienne unifiée, reléguant au second plan les divisions idéologiques du passé. Les fêtes nationales, comme celle du 30 avril, célèbrent aujourd'hui l'unité autant que la victoire.
- Intégration culturelle : Les infrastructures, les médias et l'éducation ont favorisé une fusion progressive entre les cultures du Nord et du Sud, malgré certaines différences régionales toujours perceptibles.
Malgré des écarts encore présents chez les générations plus âgées, le Vietnam a accompli des progrès notables vers une unité véritable.
De la guerre à la vision : Vietnam 2045
La Vision Vietnam 2045 vise à faire du pays une nation à revenu élevé, fondée sur l'innovation et le développement durable d'ici le centenaire de son indépendance. Parmi les leviers clés :
- Éducation et capital humain : Investissements massifs dans les filières scientifiques et technologiques (STEM) et partenariats internationaux.
- Développement vert : Engagements clairs pour les énergies propres et des infrastructures durables.
- Économie numérique : Croissance rapide dans les secteurs technologiques et manufacturiers, avec l'ambition de devenir un pôle régional.
- Neutralité géopolitique : Équilibre stratégique dans ses relations avec les États-Unis, la Chine, l'ASEAN et les BRICS, tout en préservant sa souveraineté et la paix.
En somme, le parcours du Vietnam, de nation meurtrie par la guerre à pays résilient et tourné vers l'avenir, témoigne de l'endurance, de la clairvoyance stratégique et de l'attachement à la dignité nationale de son peuple. La résilience, l'honnêteté, l'harmonie et la bienveillance sont des traits distinctifs du peuple vietnamien - des qualités que j'ai pu observer chaque jour lors de mon récent séjour de deux mois et demi dans ce pays.
Ricardo Martins - Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique